Organisation du travail et prévention des RPS

Publié le : 20/09/2016

Les petites entreprises n’ont pas souvent de personnel dédié à l’analyse du travail ni d’expertise intégrée pour la mise en œuvre et le suivi des multiples obligations réglementaires. Ce qui fait que la majorité d’entre eux ne sont pas sensibilisés aux problématiques liées à des situations à risques ni aux différents moyens de les résoudre.
Crédit photo : Alexandre St-Arnoult - Concours "Le travail en images" 2016

Le cas décrit ci-après montre que l’intervention d’un tiers à l’occasion d’un projet de changement peut être l’occasion d’impliquer direction et personnel et de leur faire toucher du doigt les méthodes et les raisons qui nourrissent les décisions d’amélioration de leurs conditions de travail au quotidien.

L'entreprise

L'entreprise de 37 salariés développe une activité de transport en messagerie avec un parc de véhicules légers pour les tournées de nuit et un parc poids lourds pour les tournées de jour. La grande majorité des salariés travaille de jour avec une prise de poste tôt le matin et assure seul la tournée. Une tournée peut représenter 30 à 40 clients à livrer ou à charger.
Il s’agit dans ces cas de multiples petites quantités à transporter et des clients disséminés géographiquement. Une direction logistique et une direction administrative gèrent conjointement l’entreprise; une personne responsable d’exploitation assure l’organisation courante du planning des chauffeurs et du parc véhicule. Les relations clients sont assurées en partie par la direction logistique et par le responsable exploitation.

La demande

À la suite d'un conflit avec un salarié, l’inspection du travail alerte la direction sur le fait que le risque psychosocial était peu renseigné dans le DUERP. Elle leur conseille donc de prendre contact avec l’Aract. La direction souhaite mieux comprendre comment un salarié a pu se trouver en difficulté et faire un point sur des améliorations possibles. Dans un premier échange avec la direction, l’Aract propose d’enrichir leur appréhension des risques psychosociaux et de les aider à faire des liens avec les situations de travail. L’objectif est de les aider à identifier des facteurs de risques et des leviers d’amélioration pour compléter leur DUERP.

Du particulier au collectif

  • La démarche a consisté à se dégager du cas particulier dont la direction semblait très affectée pour faire un état des lieux des situations de travail de manière plus générale. Cette première étape est nécessaire pour passer de l’individuel au collectif et permettre d’identifier et de traiter des situations potentiellement à risques. Nous avons d’abord rencontré la direction administrative et le délégué du personnel de l’entreprise pour expliquer ce passage de l’individuel au collectif. Il a fallu donner des éléments de connaissance sur les RPS et des exemples de potentiels facteurs de risque pour illustrer le fait que cela peut concerner n’importe lequel des salariés. Cette étape est primordiale pour permettre aux interlocuteurs de faire des liens avec le travail et donc de sortir du cas individuel.
  • Une deuxième étape a été nécessaire pour faire un point sur les documents disponibles sur les ressources humaines. Ce temps avec la direction administrative a mis en évidence le peu de formalisme de cette gestion et surtout les difficultés liées au turn-over et le peu d’attractivité de l’emploi en messagerie. Cette interrogation sur la gestion RH a permis à la direction de s’interroger sur ses processus de recrutement et d’intégration. La question du recrutement a mis en avant que la demande est essentiellement ciblée sur le métier de chauffeur alors que cette activité de conduite de véhicule est réduite par rapport aux autres tâches à réaliser. Si la manutention est bien identifiée comme faisant partie du métier de chauffeur en messagerie, les effets de la relation client, des modifications de tournées sont peu pris en compte. Il existe un écart important entre métier de chauffeur et activité réelle de travail.

D’autre part, faire le point sur l’absentéisme et les dysfonctionnements que cela engendre a permis d’introduire la question du travail dans l’organisation des plannings, le recrutement d’intérimaires, par exemple.

Ensuite, en interrogeant les différents acteurs sur le déroulement d’une journée de travail, nous avons fait décrire le travail (et son organisation) tel qu’il est vu par la direction. Cette expression descriptive a permis d’intéresser la direction logistique qui restait à l’écart jusqu’à présent. Des situations à risques étaient identifiées par l’entreprise essentiellement concernant le risque physique : chargement, manutention, conduite de camion…
À partir de ces échanges la problématique des RPS a pu être rattachée à l’activité de travail et à des situations identifiées. Le travail autour des descriptions de situations de travail vue par la direction a permis de pointer d’autres situations comme les modifications de tournées qui désorganisent le chargement et déchargement du camion et donc multiplient la manutention, la relation avec le client, la possibilité d’accepter ou non de la part du client des modifications de charge, de délai par exemple, étaient connues mais pas reliées à une éventuelle source de stress et facteur de RPS.

Une démarche réussie

Cette approche progressive de la demande RPS a permis de décaler de l’individuel à l’approche collective par le travail. De plus l’entrée par l’inspection du travail suite à un conflit dans l’entreprise avait provoqué une réticence forte de la direction logistique à aborder la question. En parlant du travail et de l’organisation, la direction a mieux compris comment aborder ces facteurs de risque RPS car elle a pu les identifier à travers des situations de travail connues.
Dans cette petite entreprise, sans ressource dédiée à la prévention des RPS, cette démarche a permis de contourner les réticences et les difficultés à traiter ce sujet complexe et inconnu pour eux. Par ailleurs, en interrogeant la gestion des ressources humaines de l’entreprise et en faisant le lien avec le travail, la direction administrative a proposé des pistes d’amélioration sur les processus d’intégration, sur l’animation d’un collectif de travail avec pour objectif de fidéliser les salariés.
Pour cette entreprise dans un secteur concurrentiel très fort et avec peu de marges en raison des contraintes économiques importantes, les salaires ne sont pas un levier de fidélisation. Il faut donc chercher pourquoi les salariés resteraient dans cette entreprise. La prise en compte des facteurs de RPS est un élément qui permet de parler du travail et de créer un peu de collectif avec des salariés travaillant seuls dans leurs tournées.

En savoir plus : Laurence Vergneaux, chargée de mission

 

S'abonner à la lettre électronique

Votre adresse de messagerie est uniquement utilisée pour vous envoyer la lettre électronique de l'Aract Nouvelle Aquitaine. Les données seront conservées jusqu'à votre désinscription, possible à partir du lien de désabonnement intégré dans la newsletter. En savoir plus sur la gestion de vos données personnelles.