Une démarche globale pour prévenir la santé au travail : une industrie agroalimentaire s'engage

Publié le : 25/04/2017

Cette entreprise du secteur agroalimentaire fait partie d'un groupe coopératif agricole, qui est un acteur majeur des productions agricoles françaises. L’Aract a été sollicitée par le coordonnateur sécurité du groupe pour mettre en place des échauffements avant la prise de poste.

La demande a été motivée par l’augmentation des accidents du travail engendrant des absences conséquentes, l’évènement déclencheur étant une lombalgie au champs lors de la prise de poste.
Le directeur de l’entreprise a eu connaissance d’un travail fait dans une autre entreprise du groupe où des échauffements auraient été mis en place lors de la prise de poste pour éviter les risques musculaires dans des conditions météorologiques difficiles.
Une première analyse de la demande avec le coordonnateur sécurité et le responsable de site a permis de questionner, au-delà des accidents du travail, les problématiques de troubles musculo squelettiques et de santé au travail en général.

L'entreprise

Elle appartient au secteur agroalimentaire, les métiers sont donc essentiellement des métiers agricoles (donc sujets aux contraintes météorologiques, entre autres) et du travail en station sur la chaîne de lavage, tri et conditionnement. Quelques tâches sont automatisées mais l’essentiel des activités est effectué manuellement (déchargement, lavage, tri, contrôle qualité, conditionnement, préparation de commandes).

Comme toute industrie agroalimentaire, la matière première impose à l’entreprise un fonctionnement saisonnier, répondant aux cahiers des charges des grandes et moyennes surfaces. Par conséquent, la majorité des salariés de l’entreprise sont des saisonniers, et le recours important à l’interim permet de gérer à la fois les surcroîts temporaires d’activité et l’absentéisme. L’entreprise compte moins de 100 salariés permanents et peu monter à plus de 250 salariés en saison (CDD et interim).
L’activité est très dépendante du service commercialisation du groupe qui demande une réactivité très importante et rend très difficile toute prévision en termes de volumes et de produits.

D'une problématique de santé au travail...

Après des rendez-vous avec les différents acteurs de l’entreprise impliqués (directeur, responsable de site, membre du CHSCT, coordonnateur sécurité, responsable RH) plusieurs éléments, autres que la demande d’échauffements, ont émergé.
Les enjeux pour les acteurs de l’entreprise étaient de réduire les  troubles musculo squelettiques, réduire l’absentéisme, améliorer le dialogue social et fidéliser les salariés (y compris les saisonniers).
Les problématiques rencontrées par l’entreprise en termes de santé au travail et de condition de travail sont des problèmes de dos, d’épaules, de poignets, des vertiges (travail sur la chaîne), des chutes, des ports de charges lourdes, des accidents du travail engendrant des absences conséquentes, et de nombreuses situations recensées comme dangereuses.
L’entreprise connait également des problématiques de recrutement liées à la forte activité saisonnière du territoire (culture d’asperges, de poireaux, tourisme, …).
Il a donc été décidé qu’un pré-diagnostic serait réalisé par l’Aract pour dégager des hypothèses en termes de santé au travail et d’organisation de façon globale pour mener une politique de réduction des troubles musculo squelettiques.

Ce pré-diagnostic comprenait :

  • Une analyse démographique à partir des données de l’entreprise sur l’âge, l’ancienneté, les métiers, les contrats, les statuts, les absences, les formations, les restrictions d’aptitude, les reconnaissances travailleur handicapé (RQTH) et les maladies professionnelles. Différents croisements à partir de ces données ont été effectués pour dégager une vision globale de la population salariée de l’entreprise, des caractéristiques de cette population, ainsi que des hypothèses sur les données de santé au travail et de maintien dans l’emploi,
  • Une visite approfondie de la station afin d’appréhender le process de production, les différents services et activités, ainsi que quelques situations de travail rencontrées,
  • Un entretien avec les managers de proximité portant, entre autres, sur l’organisation de l’activité, la planification, la composition des équipes, la prise en compte de la santé des salariés dans l’organisation et les régulations qui en découlent.
    Ce travail a été restitué au comité de pilotage.

...à la réflexion sur l'organisation du travail

La problématique majeure à l’issue de ce pré-diagnostic est celle de l'organisation du travail qui est, dans une activité manuelle à forte valeurs ajoutée, essentiellement tournée vers la production. Cette problématique se caractérise par :

  • Une planification de l’activité dictée par le marché, les commandes et donc le service commercial, engendrant des incertitudes quant au volume et au temps de travail,
  • Une gestion des ressources humaines coûteuse financièrement et humainement pour faire face aux variabilités de production : une majorité de saisonniers et un recours permanent à l’interim qui posent des questions d’intégration, de compétences, d’organisation et remettent en cause la polyvalence souhaitée,
  • Des problématiques de santé (troubles musculo squelettiques, accidents, restrictions d’aptitudes et maladies professionnelles) subies par les managers de proximité et le service RH qui doit gérer l’absentéisme, et non gérées,
  • Des fonctions encadrantes tournées vers la production (pas de fonction RH hormis la paye et l’administration du personne),
  • Une sous-traitance, voire une non-existence des politiques RH et de santé pour une majorité des salariés : sous-traitance aux agences d’interim pour les intérimaires, et pas de suivi santé des saisonniers qui pourtant reviennent pour la plupart tous les ans.

Un bilan positif

  • Les hypothèses de travail issues de l’analyse démographique éclairée par les éléments de terrain ont permis au comité de pilotage de décaler leur représentation initiale portée sur le besoin d’échauffement pour parvenir à une réelle volonté de politique de santé au travail, de réduction des troubles musculo squelettiques et de maintien dans l’emploi de façon globale.
  • Mais, une difficulté est très vite apparue pour collecter l'ensemble des données démographiques de l’entreprise ; les données existent pour les CDI mais sont réparties dans différents fichiers donc difficilement analysables, et les données notamment en termes de santé (restrictions, RQTH, maladies professionnelles) pour les saisonniers et intérimaires sont inexistantes au sein de l’entreprise. Une politique de santé au travail et de maintien dans l’emploi est difficilement gérable dans ces conditions.
  • Une politique "sécurité" volontaire est affichée, avec la création d’un poste de coordonnateur sécurité dédié une grande partie de l’année.
  • Une direction à l’écoute, consciente des problèmes qu’engendrent des conditions de travail améliorables sur la production.


A l’issue du pré-diagnostic, l’entreprise exprime sa volonté de structurer un projet autour de cette question de l’organisation de la production et du travail.
La première étape sera la tenue d’une formation-action auprès de la direction et du management portant, entre autres, sur la conduite de projet, le facteur humain, le management, les compétences. Y seront idéalement conviés les responsables de la production, de la planification, ainsi qu’un commercial, et une personne du service administratif. Cette Formation-action aura pour objectifs de donner de la cohérence à la démarche globale de l’entreprise, de mieux intégrer le facteur humain dans la  méthodologie de conduite de projet afin de mieux prendre en compte les problématiques de santé et de maintien dans l’emploi.
Dans un second temps, l’intervention d’un ergonome pourra être envisagée pour approfondir le diagnostic, notamment sur la question de la planification de l’activité.
En savoir plus / contact : Marion Deffez, chargée de mission Aract Nouvelle-Aquitaine

 

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