Prévenir les risques CMR : une entreprise s'engage

Publié le : 06/11/2014

En France, dans l'enquête SUMER de 2003-2004, 13% de la population active déclarent avoir été exposés à ces agents pathogènes au cours de leur activité de travail. Le risque est donc réel que ces personnes puissent développer des cancers à moyen et long terme.

C'est pourquoi dans les activités économiques faisant usage de certains solvants, les directions d'entreprises et les CHSCT engagent des politiques de prévention qui prennent en compte la toxicité des produits manipulés ainsi que la sécurité des espaces, outils et process de production.
Dans cette entreprise, tout est fait pour faire prendre conscience de la dangerosité des produits et engager des solutions concrètes dans l'intérêt des salariés.

Une entreprise de 35 salariés

L'entreprise produit et commercialise des portes et des trappes en acier inoxydable à ouverture extérieure qui équipent cuves, citernes et silos dans de nombreux domaines. Elle fonctionne autour de deux pôles d'activité avec, d'un côté, un espace dédié aux activités commerciales et administratives et, de l'autre, un atelier de fabrication regroupant les activités de découpage, soudure, polissage, dégraissage de l'acier inoxydable. L'entreprise est reconnue sur ce marché spécifique pour la qualité de ses produits. Cependant, elle est dans un contexte de reprise ou de rachat qui préoccupe tous les salariés et la direction actuelle.

Une demande de prévention des risques chimiques et CMR

La direction souhaite revoir les conditions de fabrication dans son atelier à la suite des informations données par le médecin du travail sur des expositions aux risques CMR liés à la soudure sur l'inox. De plus certains salariés de l'atelier ont fait état de leurs inquiétudes à propos de produits chimiques utilisés dans le process de dégraissage. L'Aract a proposé à cette entreprise de travailler sur sa démarche de prévention des risques chimiques et CMR. Cette action se déroule dans le cadre d'une recherche-action en partenariat avec une université sur "le processus de construction sociale de la prévention du risque CMR en entreprise" avec plusieurs Aract et différentes entreprises.

Une vraie démarche participative

L'Aract a d'abord validé, avec la direction et les délégués du personnel, leur implication dans la construction de leur démarche de prévention, notamment du risque CMR, avant de s'assurer que la méthodologie et les objectifs du projet de recherche-action permettaient d'apporter des éléments utilisables par l'entreprise.

L'Aract a exploré l'organisation de la prévention dans l'entreprise.

  • La première phase a permis d'identifier les acteurs internes et les ressources externes déjà sollicités ou non.
  • Des entretiens individuels et collectifs ont été organisés avec les personnes en charge de la prévention, les DP, la direction, des salariés de l'atelier. L'objectif était d'être au clair sur l'état de leurs connaissances sur l'organisation de la prévention dans l'entreprise, sur les risques en général, et en particulier sur leurs éventuelles expositions au CMR, etc.

    À titre d'exemple, les investigations par entretien ont porté sur les questions suivantes:
  • Quelles sont, au sein de l'entreprise, les personnes qui connaissent ou pas le risque CMR, les effets sur la santé, les conditions d'exposition, les mesures de protection ?
  • Auprès de qui, chacun à son niveau — direction, DP, opérateurs d'atelier — peut-il aller chercher de l'information sur les CMR à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise ?

D'un autre côté, des observations globales du travail ont permis de repérer les conditions d'expositions aux risques CMR, de les mettre en lien avec leur activité de travail et leur représentation du risque et de la prévention. À partir des observations globales et avec les différents acteurs internes et externes ont été ciblées les situations de travail (en fonction de la fréquence d'exposition pour les opérateurs, des moyens de protection utilisés, des pratiques particulières repérées)... où les conditions d'exposition ont été étudiées plus spécifiquement.

La direction et l'Aract ont ensuite sollicité les acteurs qui seraient en capacité d'aider l'entreprise à caractériser ce risque CMR. Chacun d'eux serait alors identifié comme préventeur du service de santé au travail dans le cadre d'une campagne de mesure avec des prélèvements atmosphériques. L'organisation d'une présentation des résultats à l'entreprise avec d'autres acteurs (le contrôleur Carsat, par exemple) a permis de mettre en discussion les priorités en termes de prévention. La démarche mise en place devra permettre à l'entreprise de définir les actions à construire et à mettre en œuvre.

Cet état des lieux a permis de relever deux éléments importants pour la construction sociale de la prévention :

  •  le niveau de connaissance et d'information à propos des risques CMR et de ses conséquences sur la santé est très différent en partant de la direction sensibilisée par le médecin du travail, le chef d'atelier faisant aussi fonction de responsable sécurité, les DP, les opérateurs directement concernés jusqu'aux salariés des services commerciaux et administratifs non directement concernés;
  •  la prévention sur les CMR nécessite d'avoir des relais à travers des personnes ressources spécifiquement sur ce risque. D'un autre côté, l'entreprise peut être en conformité avec les obligations légales en vigueur et pour autant rencontrer des difficultés à construire sa prévention CMR. Par exemple, dans un premier temps ne sont repérés dans l'entreprise que les produits CMR entrants. Ceux issus du process de fabrication, comme le chrome 6 dû à la soudure sur inox) sont inconnus. La question de la substitution des CMR était jusque-là traitée avec les seuls fournisseurs, et à partir de connaissances issues de la veille (internet) du seul responsable de sécurité.

Une mobilisation de tous les acteurs

Cette étape de l'intervention était donc importante du point de vue de la prise en charge par l'ensemble des acteurs directement ou directement touchés par les effets des CMR. La construction sociale de la prévention dans l'entreprise s'en trouve grandement légitimée.

La mobilisation d'autres acteurs extérieurs a permis d'enrichir la réflexion sur cette prévention. D'autre part à ce stade l'entreprise prend conscience de la nécessité de construire en interne pour que les opérateurs concernés y adhèrent et pour justifier les priorités avec les opérateurs non directement concernés comme les services commerciaux et administratifs.

L'action en entreprise est toujours en cours de réalisation. Le fait de réaliser l'état des lieux des connaissances sur les CMR dynamise la construction sociale dans l'entreprise et permet de dépasser la simple conformité à la loi pour construire une prévention efficace. L'entreprise monte en compétence avec l'appui et l'expertise des personnes ressources externes sur ce risque CMR.

En savoir plus : Laurence Vergneaux, chargée de mission

 

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